Invivable

Je me suis toujours interdite d’écrire quand j’étais au summum de mes émotions, au plus bas de l’échelle, sans avoir pris un recul nécessaire sur la situation, un temps mort pour analyser, comprendre et tirer une leçon. 

Mais comment tirer une leçon d’une situation qui fait partie de ma vie, de ma personnalité, de ma façon d’être, de ma propre personne ? 

L’anxiété, les crises d’angoisse, la peur tétanisante de l’échec, de l’abandon, du mauvais chemin, cette force inexplicable qui dicte mes pensées, mes décisions et mes émotions. 

J’ai rarement écrit en étant aussi épuisée, une fatigue émotionnelle, un ras de bol de l’intérieur, comme si tout mon corps ne pouvait plus supporter le poids de mes émotions, de mes angoisses et de mes pensées. Comme si ma tête me hurlait d’arrêter ce carnage.

J’écris en essayant bêtement de trouver les mots justes pour décrire cette chose qui empoisonne mon quotidien et qui, ces derniers mois, m’empêche de respirer et de vivre des moments de bonheur sans les pourrir. Je crois même que le mot pourrir n’est pas assez fort pour décrire ce dégoût que je ressens vis à vis de cette anxiété. Je regarde autour de moi et je ne trouve qu’une coupable, qu’un seul visage, celui qui se reflète dans le miroir : moi. 

Je prône la positivité, je crois aux énergies, au karma, au destin, je crois en Dieu mais me voilà au point mort, incapable de mettre un pied devant l’autre et de me détacher de mes angoisses. Incapable de m’aimer assez pour me détacher de ces liens qui me tirent de jour en jour vers le bas.

Mais c’est quoi l’anxiété ? 

Selon Google : L’anxiété est une émotion désagréable qui combine des symptômes physiques (le cœur bat vite et fort, la respiration semble difficile, présence de sueurs, tremblements, étourdissements ou de mains moites, corps crispé, muscles tendus) et des pensées anxieuses (inquiétudes, ruminations, obsessions, doutes, craintes). Elle devient pathologique lorsqu’elle génère de la souffrance et qu’elle a un impact négatif au quotidien, sur l’ensemble des activités de la personne, autant celles qui sont des soins personnels, de l’apprentissage, de la socialisation ou de la vie professionnelle.

Personnellement, je la comparerais à une puissance qui s’est invitée dans ma vie et qui s’est très largement mise à son aise. Elle a pris les commandes et dérègle absolument tout ce que je me suis efforcée de reconstruire ces sept dernières années. Elle prend toute la place, ne m’offrant plus de place pour vivre, aimer et m’exprimer. Une force qui se nourrit de chaque moment vécu pour le transformer en angoisse, me rappelant sans cesse que je ne mérite pas cet amour, que cette personne finira par partir elle aussi, que je ne suis pas à ma place, que ce n’est pas ce que je veux, que j’aurai dû prendre un autre chemin, que je n’en vaut pas la peine, que je ne suis pas éligible à ce bonheur que je convoite tant. Une force qui, au moment où j’écris ces mots, me chuchote de fermer cet ordinateur et de me replonger sous les draps. Une force qui me torture, qui se joue de moi et de mes humeurs. Une force qui me réveille en pleine nuit pour me faire vivre des crises de panique plus fortes les unes que les autres, des crises de larmes incontrôlables et des maux de tête à en hurler de douleur. Je la subis, je la redoute, je ne la sens pas venir, elle ne me prévient pas, elle s’empare de toutes mes émotions et me vole ma liberté. Elle prend le contrôle sur absolument tout ; mes ambitions, mes rêves et mon amour propre.  

J’ai essayé de la comprendre sans la chasser. J’ai tenté de l’apprivoiser et de comprendre ce qui en était la source, j’ai pris le temps d’écrire chaque traumatisme que j’avais pu vivre, du plus insignifiant au plus déchirant, chaque source de souffrance, de douleur, de frustration. J’ai écrit à ne plus avoir d’encre, ni de papier. 

Je n’ai plus de stylo, je n’ai plus de feuille. Mais j’ai toujours de l’anxiété, des angoisses et des idées plus sombres les unes que les autres. 

Par moment, j’ai peur que tout se fige, j’ai peur que toute ma vie ne se résume qu’à ça, j’ai peur de vivre de cette manière pour toujours. Même si au plus profond de moi-même je sais que je suis bien trop forte pour rendre les armes aussi facilement et accepter une telle situation. Une attitude tellement contradictoire qui me pousse à chercher la lumière dans cette tempête. C’est ce que j’ai toujours fait ; chercher la lumière aussi sombre que soit la douleur. Je continue à me hurler que j’ai surmonté pire, à me convaincre que je devrais continuer à méditer, à fuir les personnes toxiques, les mauvaises énergies, les situations sans issue. J’essaye de toutes mes forces de m’accrocher à ces minces faisceaux de lumière. 

J’ai peur de devenir ma pire ennemie et de ne plus être capable de faire marche arrière. De perdre des années et d’avoir le sentiment permanent de faire fausse route. Je veux aimer sans redouter l’abandon, faire confiance sans attendre la trahison et m’épanouir sans imaginer la mort. 

Je pense que nous vivons dans une époque dans laquelle nous sous-estimons encore la santé mentale. On en parle peu, on associe la santé mentale au seul état de dépression. On ne parle pas de ça, parce qu’on n’y connait rien, finalement, et je pense que la santé mentale fait peur. On a peur car il n’y a pas d’ordonnance, pas de rééducation pour guérir d’un traumatisme d’abandon. Il n’y a pas d’opération pour ne plus jamais craindre de voir son monde s’écrouler à nouveau, pas de techniques innovantes pour guérir des terreurs nocturnes qu’engendrent les crises d’anxiété.

Et puis on nous assure qu’il est préférable de ne pas en parler, qu’en penseraient les autres ? C’est dérangeant de lire ces mots, pas vrai ? Cette vérité ne colle pas vraiment à mon image, ou plutôt à l’image que vous vous faites de ma personne. Et en général, on n’imagine pas ce qui se cache derrière une story Instagram. « J’ai vu ses stories, elle est tellement épanouie, elle a trop de chance, j’adore sa vie ! » Nous sommes des acteurs. On met en scène nos vies, nos émotions et nos moments de bonheur doivent être filmés. On doit prouver qu’on est heureux, montrer : c’est se rendre éligible à une majorité de gens heureux. C’est la course à qui sera le plus heureux, le plus épanoui, le plus sain.  Je ne peux rejeter cette époque qui est la mienne et des mécanismes qui font partie de nous et qui, aussi effrayant soient-ils, sont faits inconsciemment. Je ne dénonce pas un système que j’alimente en étant moi-même actrice de ce faux bonheur. Je dirais simplement que je n’ai pas peur de déranger en appuyant sur la douleur, ma douleur. En assumant que parfois je fais semblant, peut-être pour me convaincre moi même que dans ce monde-là, celui qui n’est fait que de pixels, je suis heureuse et je vis sans craindre mes angoisses. 

Parfois je tente d’imaginer à quoi pourrait ressembler la guérison. La guérison peut être n’importe où, elle peut être n’importe qui, n’importe quoi. Je crois qu’il ne faut pas la chercher, elle nous trouvera toute seule, quand on aura fourni les efforts nécessaires pour sortir de ce lit, pour surmonter ces peurs, pour essuyer ces larmes et pour se relever, même si le sol et les bras qui encerclent nos jambes sont plus agréables. Je pense que la guérison ne viendra pas me relever en me tendant un mouchoir. Je pense qu’il est de mon devoir de me faire violence, aussi douloureux et frustrant soit-il. Je crois qu’attendre qu’un miracle arrive ne fait pas vraiment partie de mes convictions.

Je m’endormirai peut-être ce soir en pleurant et en suppliant n’importe quelle force à laquelle je crois de m’aider à me débarrasser de ces angoisses. Et peut-être que demain matin je me prendrai en selfie avec un sourire béant, peut-être que je partagerai encore des citations prônant la positivité. 

Je suis la seule décisionnaire, je suis le seul visage que reflète le miroir en face de moi. Je sais que je dois cesser d’avoir peur de mes propres actes, car peu importe le nom que je donne à cette anxiété, à ces angoisses et à ces peurs, j’en suis maître. 

J’imagine qu’il était temps pour moi de m’exprimer sur ce sujet, d’écrire sur ce qui me ronge depuis des mois, sur cette anxiété qui, j’en suis persuadée, touche bien plus de personnes que l’on ne se laisse le droit d’imaginer. Je pense qu’il faut accepter que la perfection ne soit pas un but en soi et qu’accepter nos douleurs, nos différences, qui nous rendent totalement imparfaits, fait de nous des gens beaux, des gens sincères, vrais. Je préfère cent fois assumer mon anxiété et la partager avec ceux qui, comme moi, se battent pour trouver la guérison, plutôt que de glisser dans une hypocrisie malsaine et me mentir à moi-même. Je me suis menti pendant très longtemps, jurant à qui voulait bien l’entendre que j’étais en paix. Mais le chemin est encore long, les vagues n’ont pas fini de m’emporter dans leurs creux. Je l’accepte, plutôt que de mentir pour me rassurer, ou de vivre dans un inception, dans une vie et dans un bonheur qui ne m’appartient pas.

Ce n’est pas une compétition, arrêtez d’avoir peur de votre propre santé. Avez-vous peur de dire que vous êtes enrhumé ? Non. Alors n’ayez pas peur de dire que vous souffrez d’anxiété, d’angoisses ou de n’importe quoi ! Cela ne change pas la personne que vous êtes, les gens qui vous aiment continueront de vous aimer et l’avis des autres n’a aucune valeur. Ne perdez pas ce que vous avez de plus précieux – votre temps – pour des pièces rapportées.  Vous n’empêcherez jamais le monde de parler, de critiquer, de donner un avis. Concentrez-vous sur vous, sur votre cercle. L’avis le plus important est celui que l’on se porte à soi-même. 

Assumer, c’est accepter. Accepter c’est déjà guérir. 

Prenez-soin de vous, sans mentir, pour de vrai cette fois-ci. 

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