On vit dans une époque d’images, nous sommes ce que nous reflétons, nous sommes ce que nous portons. Nous sommes des couvertures de livres que très peu se donnent la peine d’ouvrir.
Instagram nous laisse être libre de ce que nous voulons être, libre de se créer un personnage de toute pièce, mais qui sommes-nous réellement sous ces filtres ? Dans cette société où nous sommes tous narcissiques, allons-nous finir par nous noyer dans notre propre reflet à force de vouloir plaire à autrui ? Et si la personne à qui nous devions plaire c’est nous-même ?
A l’aube de mes 23 ans je commence à accepter mon reflet dans le miroir, à apprécier le regard des hommes et à accepter les compliments, mais tout est si fragile.
Existe-il quelque chose de plus hypocrite que l’image que nous renvoyons ? Combien se cache derrière une démarche assurée, un style affirmé, derrière des tatouages, une attitude désinvolte ? Rare sont ceux qui reflètent ce qu’ils sont réellement.
Je suis l’opposée de ce que je renvoie. Discutons 10 minutes et tu oublieras l’image de la blonde superficielle au regard noir et à la démarche assurée. Inconsciemment, je joue un rôle. J’ai besoin de ce rôle pour survivre dans cette jungle de préjugés, de dictats et de codes.
Quelle étiquette te colle à la peau ?
On s’installe dans une case, parce que nous choisissons ce que nous voulons représenter. Quelle belle façon de s’éloigner de nous-même. J’ai longtemps cherché à savoir ce que je représentais. Je n’ai toujours pas trouvé, mais au fil des années je m’écoute et m’assume de plus en plus. Je commence à apprécier que les gens se trompent sur moi. J’aime presque les préjugés. Et j’aime surprendre. J’ai le pouvoir de choisir à qui je veux montrer qui je suis. C’est de cette manière que je prouve ma confiance, mon attachement et mon amour.
Pendant plusieurs années j’ai vécu dans l’ombre de quelqu’un. Une beauté naturelle qui attirait tous les regards. J’étais « l’autre ». Je n’étais pas en compétition avec elle, on ne l’a d’ailleurs jamais été. Pas de jalousie mal placée. C’était mon bras droit. Elle ne me disait pas qu’un jean m’allait bien, s’il me faisait des cuisses énormes. Elle voulait mon bien, elle voulait que comme elle je m’assume et marche la tête haute.
Je n’étais pas fine, je n’avais pas un teint halé, ni de jolies lèvres pulpeuses et encore moins un sourire ravageur. J’étais juste moi avec des t-shirts XL, toujours plus large pour cacher ma poitrine inexistante et mes fesses plates. Mes cheveux toujours plus raides me recouvrait le visage, je voulais me cacher, qu’on m’oublie. Je n’existais aux yeux de certains que lorsque j’étais à ses côtés, parfois même ils ne déniaient pas me dire bonjour lorsque j’étais seule. On m’adressait la parole car j’étais la copine, alors il fallait m’avoir dans la poche pour que je puisse faire la passe décisive. Je me sentais si inférieure, je me détestais de ne pas être aussi jolie, de ne pas être aussi sûre de moi, je haïssais ce que reflétait le miroir. A tel point que je me pourrissais aussi de l’intérieur.
« Tu es pas moche, mais elle c’est quelque chose, un avion, rien à voir avec toi ! », « Présente ta copine ! », « C’est quoi cette bombe ? » J’avais juste envie d’hurler, je voulais exister. Mais j’étais incapable de sourire, incapable de tenir une conversation, parce que je ne voulais pas qu’on me regarde, qu’on regarde mon visage, qu’on voit mes défauts.
Un garçon m’a regardée un jour, il était beau, drôle et atypique. Il me plaisait tellement. Je ne pouvais pas croire qu’un garçon comme lui pouvait s’intéresser à une fille comme moi et pourtant c’était bien réel. C’est avec la plus grande naïveté que j’ai fait rentrer cet inconnu dans ma vie. Notre relation était légère, j’étais persuadée que ses gestes et ses regards étaient purs. Loin de moi l’idée qu’il puisse se servir de moi pendant plusieurs mois dans le simple but de se rapprocher d’elle.
Échec et mat. Je n’étais qu’un pion. Existe-il plus dévalorisant ? Je me suis détestée si fort, alors que je n’y étais pour rien. Je me suis haïe de ne pas être assez bien pour lui.
Une augmentation mammaire plus tard, je me confrontais à l’hypocrisie masculine. Ceux qui ne m’avaient jamais accordé un regard, me rattrapaient maintenant par le bras lorsque je croisais leur chemin. J’existais enfin à leurs minables yeux. Certains lourdement me draguaient en oubliant, que quelques années avant j’étais « l’autre » qu’ils ignoraient. On me demandait mon prénom, comme si je venais d’apparaître, mais j’étais devant eux depuis des années.
Du jour au lendemain, j’attirais l’attention de ceux pour qui j’aurais pu vendre mon âme pour un simple sourire. Leur attention me donnait donc enfin la permission d’exister ?
Le physique n’est pas la clé de l’attraction, c’est ce que tu dégages qui attire, combien d’hommes plus beaux les uns que les autres ai-je croisés, mais lorsque j’ouvrais le livre les pages étaient blanches. Le néant.
La chirurgie était un besoin, mais en aucun cas une paire de seins définit qui je suis. Je suis devenue une femme parce que j’ai appris à m’aimer, j’ai appris à me valoriser sans jamais être vulgaire. J’ai commencé à sourire et à accepter qu’on me regarde dans les yeux, qu’on voit mes défauts.
Rien ne vaut la beauté d’une âme, la beauté du coeur, la beauté des gestes. J’ai été dans les bras d’hommes que je trouvais beaux, mais dont le coeur était pourri de noirceur. Dont leur propres frustrations devenaient si étouffantes qu’ils essayaient de me modeler à leur image, plus mince, cheveux plus longs…
Tu es précieux/se, tu n’as pas attendu autrui pour vivre, alors n’écoute que toi. Mange, dors, fais des régimes, va au sport, teins-toi les cheveux en rose, rouge, jaune. Plaque tout, recommence. Fais-toi un tatouage, ou 10. Porte cette veste trop extravagante, sors en jupe en hiver et en pull en été. Vis pour toi.
Nous sommes les seuls êtres aux commandes, ne délègue jamais ce contrôle.
Regarde-toi.