Derrière-moi

Aujourd’hui en me réveillant, je ne me sens toujours pas plus heureuse, ni plus aimée, ni plus épanouie, c’est un matin comme les autres et mes angoisses me rongent toujours autant. Il est 7h dans les rues de Cancun, le soleil est timide, mais la chaleur est écrasante. Mes angoisses se réveillent au rythme de mes pas, nous sommes le 2 Septembre et je suis loin de la maison.

Partir, c’était ma décision, personne ne m’a mis un couteau sous la gorge, j’ai simplement fui. Fuir, ce n’est pourtant pas ma spécialité. Je suis une battante. Je me bats pour l’amour, pour les choses qui me paraissent justes, pour l’amitié, pour la réussite, je me bats pour être heureuse.

Et parfois, je perds et ces dernières années j’ai accumulé une collection d’échecs. Je n’ai pas été jusqu’au bout de mes envies, j’ai perdu valeurs et espoirs, je me suis abîmée dans des amitiés et dans les bras de relations amoureuses douteuses. Alors j’avais besoin de fuir.

Maman est si loin maintenant, 5 années se sont écoulées et je n’arrive plus à l’imaginer dans mes rêves, je ne me souviens plus de ses traits, son grain de beauté sur la joue était-il à droite ou à gauche ? Et sa voix, j’ai beau creusé au plus profond de moi, aucun son n’en sort. Je suis en train d’oublier la plus belle partie de moi. La vie continue, quoi qu’il advienne, peu importe la souffrance, peu importe la taille de l’ouragan, peu importe les dégâts, le soleil se lèvera toujours. C’est dur et parfois même c’est injuste. On a envie de rester dans notre obscurité et on veut que tout le monde porte notre douleur, pourquoi sommes-nous les seuls à souffrir ? Pourquoi moi et pas les autres ? 5 ans, et je n’ai pas de réponses.

J’ai cherché dans tous les recoins, auprès de tous les professionnels possibles et imaginables. Il n’existe pas de bouton retour, ni de seconde chance, tout est écrit selon certains et pour d’autres le hasard fait simplement mal les choses. La roulette russe, si ce n’est pas toi, c’est l’autre.

Il faut vaincre ta souffrance, tu as le droit de pleurer, tu as le droit de tout remettre en question. Mais attention, pas trop longtemps. Si tu es triste trop longtemps, tu es pathétique. L’humain aime les drames, mais l’humain n’aime pas la compassion, l’humain se lasse de te voir triste, tu lui fais pitié. « Tu en fais un peu trop avec ta mère Julia ! » m’avait-on balancé quelques mois après le décès de ma mère. Votre tristesse publique a une date de péremption, passer celle-ci merci de cacher votre mal-être, vous nous faites chier.

J’avais 16 ans quand elle est partie, c’était une lumière. Comme on en rencontre
peu, elle illuminait tout sur son passage. Je suis désolée car vous ne l’avez pas connu. Je suis si chanceuse de l’avoir eu pour mère. Elle n’était pas tendre, elle ne me prenait pas souvent dans ses bras, elle ne me disait pas qu’elle m’aimait, ni qu’elle était fière de moi. Mais je savais qu’elle l’était. Ma soeur et moi étions sa raison de vivre. Je le sais, non pas parce que Carole de la compta qui bossait avec elle me l’a dit, je le sais parce que c’est son sang qui coule dans mes veines. Du jour au lendemain on m’a enlevé ma lumière, j’ai été plongée dans l’obscurité, j’étais comme au bout du monde, je me suis perdue, et malgré les années je n’ai toujours pas retrouvé le chemin de la maison.

A 22 ans, j’essaye de lister mes innombrables erreurs, j’ai envie de m’excuser 100 fois, 1000 fois, j’ai honte. « Si ta mère te voyait… Elle aurait envie de vomir » me disait A, mon premier amour. Je l’ai rencontré à l’aube du décès de ma mère. C’était le coup de foudre, j’avais 16 ans et c’était magique. C’était si fort, je crois que je l’ai aimé tout de suite, sans même connaître son prénom. Je l’ai aimé si fort, pendant si longtemps et je l’aimerai toute ma vie. Il a marqué ma vie. Je pense que certaines personnes sont faites pour se rencontrer et c’était notre cas. Il a perdu son père quelques mois après le décès de ma mère. Notre amour a vu naître celui de nos parents. Je vous vois froncer vos sourcils. Nos parents sont tombés amoureux l’un de l’autre, en quelques semaines seulement. Aujourd’hui 5 ans plus tard, un seul amour a survécu, il n’y avait sûrement pas de place pour moi et A dans cette tornade d’événements . On s’est détruits et nos parents se sont reconstruits.

Je suis heureuse de voir mon père heureux. Je ne pardonnerai certainement jamais sa lâcheté et son égoïsme. Je me suis battue si fort, j’ai mis toutes mes forces, tout mon amour, tout mon désespoir pour le ramener à la raison, mais encore une fois j’ai échoué. Papa m’a laissée me détruire, m’a laissée seule, j’ai alors découvert les côtés les plus sombres de moi-même. J’ai grandi avec l’idée que la famille était sacrée, que c’était le socle d’une vie, la base solide d’une maison. J’y ai cru si fort pendant longtemps. Mais on vient seul et on repart seul, définitivement.

Mon avis vous dérange peut-être, et je reste admirative des familles unies, et des parents dévoués, vous êtes beaux, vous êtes merveilleux. Mon sombre nuage n’a pas détruit mon rêve de fonder ma propre famille, de construire et d’être une mère dévouée à ses enfants. J’ai hâte d’avoir une famille, j’ai hâte de retrouver une stabilité.

Je me demande tous les jours ce que me réserve ce long tunnel, est-ce qu’au bout de celui-ci je serai enfin moi-même, enfin épanouie ? C’est facile de remplir deux valises et de partir de l’autre côté de l’atlantique pendant 6 mois pour trouver un morceau de bonheur. Mais mes angoisses sont toujours là et mes remords m’empêcheront encore de dormir ce soir.Je marche dans les rues de Cancun, et je finis ma 3ème cigarette, les nuages finissent enfin par laisser une timide place au soleil. Je dois vivre cette aventure, je dois grandir, je dois apprendre et je dois me faire confiance.

Je ne sais pas si le meilleur ou le pire est à venir, mais en tout cas, le reste est derrière moi.

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